Marcher est peut-être – mythologiquement – le geste le plus trivial, donc le plus humain, disait Roland Barthes. Partie intégrante des plans de déplacement, la marche, comme mode de transport urbain fait son grand retour surtout dans les grandes villes. Quelle est aujourd’hui la part modale de la marche dans la mobilité? (Et en prime pour se faire plaisir : quelle est la part de la marche dans le bonheur?)
C’est une mobilité dite active, marcher, c’est se déplacer sans apport d’énergie autre que son seul effort physique. On est tous marcheur à un moment où à un autre, tous piétons. On marche 15 à 20 min par jour en moyenne, soit une distance de 1 à 1,3 km. Un déplacement à pied = 900 mètres (soit 13 min). En France, un déplacement sur deux en voiture fait moins d’1 km. Comment alors encourager les habitants d’une ville à privilégier la marche?
Quelle place pour la marche dans les plans de déplacements urbains?
Inscrite dans le Grenelle de L’environnement, la marche fait désormais partie intégrante des plans de déplacements urbains. Le plan d’actions pour les mobilités actives (PAMA) présenté il y a un an par le Ministère de l’Ecologie et du développement durable et de l’énergie, se structure autour de grandes thématiques : développer l’intermodalité transports collectifs /modes actifs ; Partager l’espace public et sécuriser les modes actifs ; Prendre en compte les politiques de mobilité active dans l’urbanisme, le logement et notamment le logement social.
Qui marche ? Qui ne marche pas ?
Le Cerema, (Centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et les déplacements), à présenté, à l’occasion des journées d’échanges sur la mobilité urbaine en mars 2015), un document intitulé « De la marche comme mode à la marche intermodale ». On y apprend que la marche est le deuxième mode de transport urbain, après la voiture, que l’on marche surtout dans les grandes villes (plus on se rapproche du centre et de l’hyper-centre plus la marche est pratiquée), que ce sont surtout des femmes et des jeunes qui utilisent ce mode de déplacement, et que tout le monde ne marche pas : seule 1 personne sur 3 réalise des déplacement intégralement à pied – Les autres pratiquent la marche intermodale uniquement.
Quelle est aujourd’hui la part modale de la marche dans la mobilité ?
L’intermodalité, c’est l’utilisation d’au moins deux modes de transports mécanisés pour réaliser un même déplacement. Dans sa présentation le Cerema propose d’élargir la focale d’analyse de l’intermodalité : marcher plus de 5 min (350 m à pied).
A propos d’intermodalité, je vous propose de regardez l’expérimentation menée par le Forum Vies Mobiles, Et si la marche devenait la meilleure alliée des transports en commun et qui vise à promouvoir la marche en lien avec les transports en commun.
Quelle est la part de la marche dans le bonheur ? !
Toutes les enquêtes le répètent la marche est non seulement bonne pour la santé mais aussi pour l’esprit, elle rend heureux. (Cette grande étude réalisée par l’Université de East Anglia pendant près de 20 ans en Angleterre montre qu’aller au travail à pied ou à vélo rend plus heureux que d’utiliser sa voiture).
Le marcheur à la fois urbain et montagnard que je suis ne peut que vous recommander la lecture de l’Eloge de la marche de David Le Breton. L’anthropologue raconte combien la marche est «propice au développement d’une philosophie élémentaire de l’existence». Il y décrit parfaitement la marche urbaine, «semée de spectacles» attisant la curiosité des «guetteurs d’anecdotes», des amoureux des villes, de «célébration de la marchandise et de la vie commune»…
Mais la marche peut-être aussi la résistance à la ville: marcher pour quitter la ville. C’est ce que défend le philosophe Henri-David Thoreau dans De la marche ( 1851). Dans cet essai Thoreau oppose la nature et la société. Il s’agit donc de marcher pour quitter la société Thoreau a recours à l’étymologie pour rendre compte de cette opposition : ainsi, il fait remonter le mot balade aux pèlerins en partance pour la Terre-Sainte et il rapproche le mot ville de vilain. On voit bien sa position dans ce combat entre la marche et la ville, d’autant plus que, pour Thoreau, la marche s’effectue dans les forêts, les bois et les champs, loin de la route qui conduit à la ville et à ses institutions dont il s’agit justement d’éviter l’influence néfaste. A lire ici