MOBILITE. Le mot est partout, mobilité physique, numérique, sociale, éco mobilité, mobilité durable, intermodalité, multimodalité, transition mobilitaire… Chaque fois la promesse est identique: plus de mobilité pour mieux se déplacer, plus librement, plus proprement. Nous sommes tous mobile et connectés, cette évolution urbaine est un fait, mais sommes-nous plus libres pour autant? Et si nous étions, au contraire prisonniers de la mobilité?
Simon Borja, Doctorant en science politique à l’IEP (Institut d’Études Politiques) de Strasbourg, et Thierry Ramadier, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) signe une tribune passionnante dans Le monde diplomatique du mois de janvier.
Dans un texte intitulé Prisonniers de la mobilité, les deux chercheurs expliquent comment avec le terme Mobilité, « l’idéologie dominante s’appuie sur des notions si communément admises qu’elles finissent par se dispenser de toute mise en perspective ».
Ils conviennent, dans un premier temps, que le terme définie bien une époque dans laquelle tout est en perpétuel mouvement. « La mobilité constelle les discours. Elle voisine avec fluidité, créativité, accessibilité pour décrire des projets où il est question de liberté, d’autonomie, d’épanouissement ou de dynamisme. Des chercheurs y voient un nouveau concept, voire un nouveau paradigme. Personnes (étudiants, salariés, immigrés), biens (marchandises transportées d’un bout à l’autre du globe), compétences (agilité, ouverture d’esprit), idées (politiques, scientifiques) ou informations (médias, avoir un « mobile », réseaux), rien ne lui échappe », détaillent les deux auteurs.
Il expliquent, ensuite, comment tout le monde est venu à penser en terme de mobilité dans le domaine des sciences, de l’art de la politique et même de l’administration et retracent ainsi des années 20 à aujourd’hui les différents glissement du concept de mobilité.
Simon Borja, et Thierry Ramadier racontent comment, selon eux « l’imaginaire actuel de la mobilité distille une somme de représentations constamment réactualisées, et se légitime en réinscrivant tous les déplacements à sa mesure. » (…) « L’argumentaire est d’autant plus puissant qu’il coordonne en un mot progrès, modernité, économie de marché, mondialisation, multiplication des trajets, kilomètres parcourus… »
Pour les deux chercheurs «l’idéologie mobilitaire ne met en avant, et au-dessus de tout, que des vertus. La mobilité doit ainsi être entendue comme ce qu’elle se défend d’être : une catégorie qui fait croire. Elle projette une représentation du monde conçu par les élites.
Retrouvez ici l’article du Monde diplomatique.
Crédit photo : Courtesy Kaufmann Repetto, Milan, et Galerie Peter Kilchmann, Zurich. © Adrian Paci 2013