Dans un monde de plus en plus connecté et rapide, où chacun est dans une recherche effrénée de lien social, à l’affut de multiples mobilités, tant physiques que virtuelles, il est parfois indispensable de faire des pauses et de reprendre son souffle. C’est la pause que je vous propose dans le post de ce jour, consacré dernier ouvrage de David Le Breton intitulé Disparaitre de soi, une tentation contemporaine.
Pourquoi disparaitre de soi ?
Dans une société où s’impose l’urgence et la vitesse, « être soi ne coule plus de source dans la mesure où il faut à tout instant se mettre au monde, s’ajuster aux circonstances, assumer son autonomie ». L’anthropologue explique pourquoi tant de gens sont pris aujourd’hui «d’une passion de l’absence», une volonté temporaire d’effacement, qu’il nomme « la blancheur ». Cette notion empruntée à l’écrivain américain Herman Melville désigne « le fait de prendre congé de soi sous une forme ou sous une autre à cause de la difficulté ou de la pénibilité d’être soi ».
L’auteur dessine ainsi une dimension anthropologique à la disparition de soi. Cet effacement peut prendre différentes formes plus ou moins heureuses. Il dresse dans ce livre les pistes multiples de disparition de soi afin de « se déprendre des contraintes et d’une identité qui lasse parfois ». Il y a des manières discrètes de disparaitre, comme le sommeil ou la fatigue, ou des manières plus radicales, comme disparaitre sans laisser d’adresse. Il décrit aussi les mécanismes que les adolescents mettent en place pour disparaitre de soi et évoque comment plus tard dans la vie, la maladie d’Alzheimer permet de « disparaitre de son existence ».
Glisser dans l’infini du virtuel est aussi une forme de disparition de soi
Parmi les différentes pistes de l’effacement de soi, David Le Breton cite aussi le monde virtuel et explique comment le numérique, plus particulièrement le cyberspace favorise cette « blancheur », en ce sens qu’il « diffracte les facettes de l’individu » La disparition du visage, comme de la voix est en effet une condition idéale à la disparition de soi.
Au japon : le phénomène Hikikomori
«A la différence des génération antérieurs aux années 70 la jeunesse japonaise grandit dans des conditions favorables, le sacrifice n’est plus nécessaire, elle n’a plus à se battre pour survivre et reconstruire le pays après le désastre de la seconde guerre mondiale », explique David Le Breton. En revanche ce sont des jeunes soumis à une compétition intense. Cette responsabilité de réussir sa vie commence très tôt et se prolonge sans fin. Chaque jeune est ainsi tenu à une mobilisation permanente pour être à la hauteur. Après leurs études certains d’entre eux entrent dans l’univers du travail mais renoncent vite à cette engagement «pour vivre une suspension sociale, en se coupant du monde (…), en repoussant tout contact avec l’extérieur, « ils se mettent hors circuit » seulement en connexion avec le monde grâce à leur ordinateur.
L’auteur explique que leurs parents ne peuvent même plus entrer dans leur chambre et laissent un plateau repas à la porte. «Ils seraient plus de 250 000 » à vivre «comme des moines entourés des technologies les plus puissantes d’aujourd’hui. (…). Parfois après des années d’une sorte d’ermitage intérieur ils reviennent au lien social. Dans ce cas la blancheur n’aura été qu’une pause pour se construire.
UNE TENTATION CONTEMPORAINE
David LE BRETON