Que sera la ville de demain ? A quoi ressemblera-t-elle ? Les adjectifs ne manquent pas : elle sera forcément smart, intelligente, humaine, durable, numérique, voir sensible et même résiliante Que nous promet la ville de demain? Une ville dans laquelle le tissu social sera renoué, un lieu de partage, de vie, d’hybridation sociale. Dans la ville de demain, le citoyen sera l’acteur d’une ville participative et collaborative. La ville du futur sera plurielle à l’image de ces multiples concepts. Doit-on croire à l’utopie de la smart city ? Oui, trois fois oui. Mais nous devons aussi garder à l’esprit combien l’utopie peut parfois déboucher, sur l’exact inverse de ce qui a été conceptualisé. Réfléchir à ce qui n’a pas fonctionné.
L’utopie de La Villeneuve
A tous ceux et celles qui réfléchissent et travaillent sur les concepts de la ville de demain, je recommande vivement la lecture de l’excellent reportage de Michel Etchaninoff, «La défaite des voisins», dans le dernier numéro de Philosophie Magazine. « Je viens passer trois jours dans le quartier de La Villeneuve, je veux comprendre pourquoi un lieu imaginé à l’origine comme un lieu ouvert vers les autres a produit autant de désillusions, » explique Michel Etcahnninoff.
La Villeneuve. C’est dans cette banlieue dite «sensible» de Grenoble, qu’éclatent de violentes émeutes entre jeunes et les forces de l’ordre pendant plusieurs nuits en plein été 2010. De ces émeutes suivra le très controversé « discours de Grenoble » de Nicolas Sarkozy associant immigration et délinquance.
Dans « la défaite des voisins », Michel Etcahnninoff explique comment «derrière le rêve de mixité sociale, des fractures profondes » se sont révélées. Mais son reportage, raconte aussi en filigrane l’utopie de la ville et donne à réflexion : l’utopie de La Villeneuve est-elle si différente de celles des smart-cities de demain?
Dès sa création en 1972, La Villeneuve a été pensée comme une expérimentation sociale et urbaine d’envergure nationale avec ses réalisations dans l’éducation nouvelle, (la coéducation), la création d’équipements intégrés un nouvel urbanisme, des jardins partagés. « L’utopie de la Villeneuve » a été crée par la municipalité de Grenoble juste après 1968, avec pour objectif de mettre le citoyen au cœur de la cité. Placer l’habitant au cœur de la ville ? Déjà.
Le projet initial était celui d’une ville « dans lequel les voitures ne circulent pas », une ville dans laquelle le tissu social serait noué, un lieu de partage, de vie. Bref, autant d’expressions, et de concepts utilisés aujourd’hui pour décrire la smart citie de demain.
A la lecture de l’article, on se retrouve parfois de l’autre côté du miroir. Ainsi, le projet de La Villeneuve promettait déjà la co création de la ville, « on ne se contenterait plus de posséder un espace à soi et de se servir de structures communes, on mettrait en place une véritable appropriation en commun de l’espace urbain, une création collective de la ville » écrit Michel Eltchanninoof. Ou encore : «Tous les équipements sont intégrés, dans une logique d’économie, de mélange et de convivialité ». Le projet était conçu de manière systémique, une approche très voisine de celles des smart cities, (brique technologique en moins).
Pourtant, cette expérience s’est avérée être un échec et «la volonté du vivre ensemble des fondateurs n’a pas fonctionné», Michel Etchaninoff, nous en livre les raisons, je vous laisse découvrir ici son reportage. A méditer.