Rendre la ville durable, c’est lui permettre de s’adapter en permanence aux circonstances, encore faut-il, pour cela, qu’elle soit sensible à son propre état. C’est tout l’objectif de Sense-City, la mini-ville sensible imaginée par l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (Ifsttar). La première phase du projet sera inaugurée ce lundi 23 mars sur le site de l’institut à Champs-sur-Marne, au cœur du cluster Descartes, sous la forme d’un «premier scénario urbain » qui regroupe une dizaine d’expérimentations autour de l’habitat de demain et de la route intelligente. Visite.
Une rue, des trottoirs, un rond point, deux maisons en bois, du mobilier urbain, une tourelle, de la pelouse et surtout, tout ce que l’on ne voit pas : 60 capteurs réparties dans la chaussée, sur le haut des lampadaires, dans les murs des maisons, dans le sous-sol ou sous le bitume… Nous sommes à Champs-sur-Marne, au coeur Sense-City, cette mini-ville, ou cette plutôt cette grande maquette de 250 m2, construite sur le site de l’Ifsttar a pour mission de valider les technologies qui doivent permettre à nos villes d’être en mesure de s’auto-diagnostiquer en permanence. « Le projet Sense-City cherche à réaliser un rêve assez ancien : transformer un système aussi complexe que la ville en un système mesurable et mesuré », explique Serge Piperno Directeur scientifique de l’Ifsttar.
« Il s’agit ici de construire un dispositif expérimental à échelle réduite permettant de progresser dans les dispositifs de mesure de l’ensemble des compartiments de la ville (atmosphère, pollution, bruit, vibration, état du sous-sol, efficacité énergétique, réseaux, etc.). Sense-City confronte des solutions technologiques (capteurs, modèles, méthodes…) à des scénarios réalistes de la ville, préparant ainsi leur déploiement dans des « living labs » avec des habitants et des usages réels ».
Depuis 4 ans, industriels et académiques préparent ensemble cette première maquette de la mini-ville technologique qui aura couté 200 000 euros en développement. Né dans le cadre de la première vague d’appel à projets des investissements d’avenir lancé en 2010, destiné à redynamiser la recherche française le projet Sense-City s’est vu attribué en 2011 un financement de 9 M d’euros jusqu’à 2019.
Que va mesurer au juste Sense-City ?
En rassemblant sur un même lieu des éléments de bâti, de réseaux et d’infrastructure bardés de capteurs, Sense-City souhaite répondre à « la complexité de l’urbain » : où et comment placer les capteurs, comment représenter les mesures, comment tester leur durabilité… Une dizaine d’expérimentations est menée en parallèle, en voici aujourd’hui trois exemples:
Des capteurs pour mesurer la qualité de l’air
Sens-City s’intéresse à la problématique de la pollution urbaine et expérimente un réseau très dense de capteurs, afin de mieux comprendre l’exposition des habitants aux polluants urbains, en particulier ceux issus du trafic automobile. La mini-ville communicante, va collecter les données de pas moins de 34 capteurs de température (24 en extérieur, 10 en intérieur), 10 nanocapteurs noyés en béton, 4 stations de mesure de qualité de l’air (taux d’oxyde d’azote (NOx), de monoxyde de carbone (CO) et de particules), 1 caméra thermique infrarouge et 1 station météo (température, humidité, vitesse du vent, ensoleillement, pluviométrie). Afin de gérer de façon efficace cette multitude de capteurs, une architecture de collecte de données a été mise en place. Elle repose sur le logiciel de supervision « PEGASE », conçu par l’Ifsttar.
Objectif : collecter de gros volumes de données, pour développer des modèles et des applications qui permettront de développer des outils de gestions optimisés pour réduire les impacts de la pollution de l’air.
Des capteurs pour rendre la route intelligente et détecter de véhicules
Sense-City expérimente un réseau de capteurs à bas cout, permettant d’observer le passage des véhicules sur un tronçon routier. Ce réseau utilise un matériel assez simple s’installation et qui peut-être exploité sans aucune maintenance pendant plusieurs années.
Objectifs : développer des solutions économes pour la route intelligente et la gestion du trafic à destination notamment des pays en développement.
L’Ifsttar développe par ailleurs son projet de route 5e génération à lire dans ce blog : La route 5e génération bientôt en Seine-et-Marne
Des capteurs pour mesurer l’efficacité énergétique des bâtiments
Sense-City mesure le comportement thermique des bâtiments grâce à plusieurs capteurs, certains sont installés dans le bâtiment, d’autres proviennent de l’extérieur. Le traitement des données permet ensuite de produire, une cartographie des flux d’énergie au sein du bâtiment, pour déterminer l’origine des déperditions énergétiques.
La prochaine étape ?
Elle est prévue pour 2016, il s’agira de dupliquer Sense-City, qui est placée aujourd’hui en conditions climatiques réelles. La mini ville accueillera alors 250 m2 supplémentaires en « milieu confiné et contrôlé ». L’objectif étant de garantir la reproductibilité des études.
Quand peut-on espérer une Sense-City à l’échelle de la ville ?
Si la difficulté technologique ne semble pas être un obstacle, le défi économique est quant lui incontournable. Pour Serge Piperno Directeur scientifique de l’Ifsttar «les déploiements doivent s’appuyer sur des modèles économiques viables : il faut donc des capteurs efficaces, suffisamment précis pour ce qui leur est demandé, et qui soient « bas coût » ; il faut également qu’ils puissent contribuer à des services à destination des exploitants ou des gestionnaires d’infrastructures ou aux usagers ; il faut enfin que les usagers puissent se les approprier et que les perspectives d’usage réel soient établies. Sense-City contribue à lever ces différents verrous ».
En savoir plus sur le site de l’IFSTTAR ici