Composante de nos villes et de notre quotidien, les embouteillages sont synonymes de contraintes de tensions et de temps perdu. En moyenne, sur une heure de conduite en heure de pointe, le temps perdu dans les bouchons, est de 24 minutes à Marseille et 23 minutes à Paris. Les embouteillages sont aussi le corolaire des grands départs en vacances. Et en ce début d’été, alors qu’on nous explique partout comment ils se forment et quelles sont les technologies qui permettent de les éviter, je vous propose avec ce post, de faire un pas de côté : questionner l’embouteillage pour savoir ce qu’il dit d’une ville, et comprendre comment dans certains cas, il peut la créer.
Quand les embouteillages créent la ville
Direction l’Afrique où les embouteillages, souvent qualifiés de malédiction africaine, se sont développés aussi rapidement que les villes. En 20 ans, le nombre de voitures dans la métropole ivoirienne d’Abidjan, par exemple, est passé de 100.000 à près de 300.000 véhicules. Une note de l’Ifri, (Institut Français des relations internationale)s’est spécifiquement intéressée à la ville d’ACCRA, capitale du Ghana.
Cette note baptisée « Quand les embouteillages créent la ville – L’influence de la congestion sur la structure et l’économie urbaines à Accra » a été rédigée (octobre 2012) dans le cadre d’un axe de recherches sur les classes moyennes et les évolutions urbaines en Afrique, mené par le programme Afrique subsaharienne de l’Ifri.
L’auteur explique pourquoi les embouteillages ne sont pas qu’un simple problème urbain et ce qu’ils racontent d’autres. «Ils sont bien souvent, à Paris comme à Accra, analysés comme une plaie, un « défaut » d’une ville incapable de les digérer. Pourtant, les villes les mieux gérées et les mieux dotées en infrastructures, comme Paris ou Londres, n’y échappent pas : les embouteillages semblent consubstantiels à l’activité économique ».
Les embouteillages contribuent à renforcer les activités informelles
Ce rapport sur les transports montre comment les embouteillages nuisent de manière évidente à l’activité économique de la ville d’Accra, mais comment, dans le même temps, leur omniprésence constitue paradoxalement un facteur important pour expliquer la structuration de l’activité urbaine.
«D’une part, en rendant certaines parties de la ville inaccessibles – même temporairement – les embouteillages structurent en profondeur le paysage urbain et son organisation. D’autre part, ils modifient non seulement quantitativement mais aussi qualitativement l’activité économique en contraignant les urbains à créer des activités qui tiennent compte de la difficulté de se déplacer. Ils contribuent ainsi à renforcer les activités informelles et contraignent les habitants à » inventer » de nouveaux moyens habiter la ville », peut-on lire dans cette étude.
Les habitants trouvent ainsi des solutions alternatives de déplacement, ( voir le chapitre Les fleurs du chaos : le développement des motos-taxis). Ils inventent de nouveaux systèmes et, en conséquence, inventent également de nouvelles pratiques de la ville.
Où est l’identité d’une ville que rien ne relie
Dans sa conclusion l’auteur répète que l’enjeu n’est pas qu’économique, il est aussi spatial, géographique et, en cela, affecte la vie quotidienne de ces habitants: une ville qui n’est pas « pratiquée », traversée, vécue par ses habitants risque l’explosion en de multiples petites unités plus ou moins autonomes mais toujours moins reliées en un tout cohérent. Sans cette cohérence, la ville ne fait plus système. Peut-on dire d’ailleurs qu’on est Acraian comme on se dit parisien et encore ouagalais ? Où est l’identité d’une ville que rien ne relie si ce n’est, finalement, l’expérience omniprésente des embouteillages ?
Pour lire cette étude c’est re-ici
photo : Lagos, capitale économique du Nigeria