Le dernier post publié ici il y a peine quelques semaines avait pour titre « Les Français de plus en plus mobiles », il venait illustrer une enquête, qui indiquait qu’en moyenne, un Français se déplace 10h par semaine et parcourt 400 kilomètres.
Que la relecture de ce titre, au 18e jour du confinement semble subitement incongrue. Comme si la crise sanitaire que nous traversons avait contracté l’espace-temps, nous faisant passer pour un temps, d’une société mobile à une société de l’immobilité, d’une injonction à « être mobile » à celle d’être « assigné à résidence », du déplacement, au confinement.
À propos du confinement, je suis tombé, presque par hasard, au fil de mes lectures, sur la chronique du géographe Martin Vanier, dans le dernier numéro de « Alpes Magazines »; sans doute parce qu’elle parle au montagnard que je suis, mais aussi parce que la métaphore qu’elle propose me semble très juste, je souhaitais la partager avec vous.
Dans cette chronique intitulée « Les Alpes et la pandémie : à corde tendue », Martin Vanier, Professeur à l’École d’urbanisme de Paris, part de l’idée de la cordée et plus particulièrement de la technique » à corde tendue », bien connue des alpinistes et qui permet à deux membres de la cordée de progresser simultanément, la corde étant tendue entre eux. L’auteur explique que «pour progresser en toute sécurité, une cordée doit avancer « à corde tendue », ni trop près, ni détachés les uns des autres » et que « Ces règles de la cordée s’appliquent également face à la pandémie de Covid-19 ».
Voici donc un extrait de ce texte que vous pouvez retrouver en téléchargement gratuit sur le site Alpes magazine. https://www.alpesmagazine.com/actualites/covid-19-et-les-alpes
Bonne lecture et bon confinement.
“ (…) Il arrive que la montagne se pratique en solitaire. Le plus souvent, on a intérêt à y être solidaire. Les règles de saine conduite énoncée en réponse à la pandémie font penser à la pratique de la cordée. Pour que celle-ci progresse en toute sécurité, on sait qu’elle doit avancer à corde tendue, ce qui minimise le choc en cas de chute de l’un des membres. Ni trop près, ni détachés les uns des autres : reliés, mais à bonne distance. Pareil pour la pandémie. Se détacher de la cordée n’est pas une bonne idée, sauf mission explicite de réaliser un exploit individuel au nom du collectif, ce qui dans le cas d’espèce n’a aucun sens. Quant à mettre la corde en travers du chemin pour se retrancher derrière elle, c’est une tentation, face au danger viral, fondée sur la conviction absurde que la pandémie, c’est forcément les autres.
La métaphore de la progression à corde tendue raconte quelque chose de nos sociétés. Nous y sommes plus liés les uns aux autres que jamais, et ces interdépendances étroites, qu’elles soient virales, écologiques, économiques, sont aussi des facteurs de vulnérabilité accrue. Face au système qui nous lie et nous expose, nous revendiquons davantage de proximité, de localisme, d’autonomie, pour nous protéger, nous soustraire ,voire nous refermer, fût-ce avec un virus ».
« (…) Surmonter la pandémie, ce sera rétablir les passerelles du monde, et retrouver les bonnes distances, donc les liens, très au-delà des limites dans lesquelles le virus nous aura un temps tenus prisonniers ».